Médias panafricains, communication et politique : entretien avec Marie-France Réveillard

Dernière mise à jour : le 02/01/2025
Médias panafricains, communication et politique : entretien avec Marie-France Réveillard

Médias panafricains, communication et politique : entretien avec Marie-France Réveillard

Comment l’actualité politique est-elle couverte dans les médias panafricains ?
Quelle est la dynamique entre journalistes politiques et professionnels de la communication sur le continent ?
Pour éclairer ces enjeux, Clipse Africa s’est entretenu avec Marie-France Réveillard, journaliste spécialisée en Afrique, économie et politique.

Dans cet échange exclusif, elle revient sur les particularités du traitement de l’actualité politique en Afrique francophone, la relation parfois complexe entre sphère politique et médias, ainsi que les défis rencontrés par les professionnels de l’information.

1. Pour commencer, pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours et votre lien avec le continent africain ?

Je suis journaliste reporter spécialisée sur les questions africaines, avec un focus sur les sujets économiques et politiques, notamment dans l’espace francophone.
Basée à Paris, j’ai vécu en Afrique du Sud et au Kenya, et je parcours le continent depuis plus de 15 ans.
J’écris pour la presse écrite, j’anime des conférences et modère des webinaires.
Je suis diplômée d’un Master en droit international (mention géopolitique) et d’un diplôme d’analyse des conflits, avec une spécialisation sur les problématiques africaines.

2. Quel regard portez-vous sur la place de l’actualité africaine dans les médias français ?

Peu de médias français suivent l’actualité africaine de manière continue.
Jeune Afrique reste une référence pour les “africanistes” en raison de sa longévité. Les grands titres généralistes comme Le Figaro, Le Monde ou Libération traitent l’Afrique de façon ponctuelle, souvent à l’occasion d’événements précis.
On trouve aussi des rédactions spécialisées, comme La Tribune Afrique ou Le Point Afrique, qui suivent l’actualité du continent au quotidien.
Côté audiovisuel, RFI, France 24 et TV5 Monde conservent une forte audience sur le continent.
Enfin, pour des analyses très “insider”, des publications comme La Lettre A (ex-Lettre du Continent) restent incontournables.

3. Comment les médias africains traitent-ils les sujets politiques, et quelles sont les principales difficultés rencontrées ?

Globalement, l’information est traitée de manière plus détaillée et ancrée dans le quotidien, ce qui est logique puisque ces enjeux impactent directement les citoyens.
Cependant, pour la politique, la situation se complique : dans certains pays, la liberté d’expression peut exposer les journalistes à des risques. Certains subissent des pressions de leur rédaction ou des autorités, comme le dénonce régulièrement RSF.

Paradoxalement, même lorsque les journalistes locaux connaissent parfaitement un sujet et ses acteurs, ce sont souvent les médias internationaux qui obtiennent les informations clés et la reconnaissance. Des titres comme Le Monde ou Bloomberg sont privilégiés par rapport aux médias locaux, même s’ils ne dépêchent un reporter qu’occasionnellement, en s’appuyant sur des fixeurs locaux.
L’exemple du New York Times est parlant : ils ont remporté le prix Pulitzer pour une enquête sur la présidentielle malgache grâce au travail d’une journaliste locale… avec qui ils ont heureusement partagé le prix.

4. Quelle est, selon vous, la qualité des relations entre journalistes et professionnels de la communication en Afrique ?

Comme partout, il y a deux profils :

  • Ceux qui facilitent notre travail (contacts, rendez-vous, informations contextuelles)

  • Et ceux qui compliquent l’accès aux sources

Les communicants travaillent pour des personnalités ou des institutions, donc leurs informations ne peuvent être prises pour argent comptant. Nous les croisons avec d’autres sources : journalistes locaux, analystes, acteurs privés, société civile…

Certains communicants évitent les sujets sensibles ou demandent qu’ils ne soient pas abordés. Ce genre de demande a tendance à piquer la curiosité des journalistes… Mieux vaut préparer le client à une communication de crise plutôt que de tenter de censurer, au risque d’un effet boomerang.

5. Qu’attendez-vous concrètement d’un échange avec une personnalité politique lors d’une interview ?

Tous les journalistes cherchent la même chose : de la valeur ajoutée. Cela peut être :

  • Une exclusivité

  • Un angle original

  • Une analyse inédite

  • Ou une annonce importante

La précision est essentielle, mais beaucoup de personnalités délèguent les détails techniques à leurs équipes, ce qui rend parfois l’échange moins concret.

De plus en plus, les communicants exigent les questions en amont. Certains journalistes acceptent, mais préfèrent donner seulement les grandes lignes pour préserver l’effet de surprise, gage de spontanéité… et parfois révélateur des lacunes d’un invité sur certains dossiers.

Articles similaires

Chargement des articles similaires...

Abonnez-vous à notre Newsletter

Ne manquez rien ! Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir les derniers articles, conseils et actualités directement dans votre boîte mail.

© 2025 Powered by Clipse Africa, developed by Octocode. All rights reserved.